Jeter les bases d’un projet d’intervention comportementale — Partie 1
Dans cette série de blogue, nous nous intéresserons aux deux premières phases du modèle RIDE de changement de comportement du Behavioural Insights Group de la Colombie-Britannique (BC BIG). Ce billet, le premier de la série, couvrira la phase d’établissement de la portée. Bien que l’établissement de la portée ne soit certainement pas nouveau pour les fonctionnaires, certains aspects de l’établissement de la portée d’un projet d’introspection comportementale le rendent unique.
Partie 1 : L’établissement de la portée
L’introspection comportementale nous aide à comprendre comment les gens prennent des décisions dans la vie de tous les jours. Ces renseignements peuvent être utilisés pour concevoir de meilleurs services et programmes. Bien que les termes « introspection comportementale », « incitation douce » et « sciences du comportement » soient souvent utilisés de façon interchangeable, certaines distinctions existent entre ces concepts; pour cette raison, nous mettrons l’accent sur l’« introspection comportementale » dans ces billets.
Dans le présent billet, nous répondrons à quelques questions clés :
- Comment pouvons-nous cerner un défi comportemental en premier lieu (c.‑à‑d. qu’est‑ce qui le distingue des autres défis stratégiques?).
- Comment traduire un défi stratégique complexe en un défi comportemental en utilisant la cartographie comportementale pour identifier un groupe ou un comportement cible?
- Quels critères pouvons-nous utiliser pour choisir les défis comportementaux qui conviennent à une approche d’introspection comportementale?
- Comment pouvons-nous utiliser l’information disponible pour commencer à élaborer un « énoncé d’objectif »?
En tant que fonctionnaires, nous nous attaquons à toutes sortes de défis délicats. Certains sont d’ordre structurel, financier ou logistique. Toutefois, d’autres sont de nature comportementale, ce qui signifie que leur problème fondamental est lié aux biais cognitifs, aux tendances, à l’heuristique, aux habitudes, etc. Il peut parfois être difficile d’établir si le défi auquel fait face un ministère client est de nature comportementale et peut être abordé au moyen de l’introspection comportementale. C’est pour cette raison que nous consacrons beaucoup de temps à explorer cette question au cours de la phase d’« établissement de la portée » de nos projets.
Reconnaître un défi comportemental
Il peut être difficile de déterminer si un défi est vraiment de nature comportementale. Les trois questions ci-dessous sont un bon point de départ. Si la réponse est « non » à ces trois questions, vous pourriez faire face à un défi stratégique comportemental :
1. Le défi est-il uniquement une question de sensibilisation ou d’éducation?
Si le seul problème est que les gens ne savent pas quel est le comportement optimal (p. ex., régler leur thermostat à 19–20 °C afin d’économiser l’électricité), une approche de sensibilisation ou d’éducation sous forme de campagne de marketing peut être nécessaire. Bien que l’introspection comportementale puisse aider à éclairer ces efforts, il ne s’agit habituellement pas de la meilleure utilisation des outils et des méthodes d’introspection comportementale. Au contraire, l’introspection comportementale fonctionne mieux lorsque les gens sont déjà au courant du comportement approprié, ont l’intention d’agir en conséquence, mais ne le font pas. Les recherches montrent que cela se produit tout le temps[1], ce qui n’est peut-être pas surprenant. Nous le vivons régulièrement dans notre vie quotidienne. Par exemple, nous pouvons avoir l’intention de ménager l’électricité, mais nous n’apportons pas régulièrement les changements nécessaires à notre thermostat. Nous avons peut-être l’intention de faire de l’exercice, mais nous ne nous rendons pas au gymnase aussi souvent que nous l’aimerions. De même, nous pouvons avoir l’intention d’économiser de l’argent, mais être distraits par des achats sur le moment. Plutôt que d’améliorer la sensibilisation ou les connaissances, l’introspection comportementale convient le mieux aux situations où la sensibilisation est déjà élevée, mais où il y a des preuves d’un écart entre l’intention et l’action. L’introspection comportementale est un outil puissant pour combler ces lacunes.
2. Le défi consiste-t-il uniquement à changer les attitudes ou les croyances?
Tout comme la recherche n’a pas réussi à démontrer un lien fiable entre les intentions et le comportement, les données probantes indiquent que les croyances et les attitudes sont également de mauvais prédicteurs du comportement. Par exemple, le fait de croire que la conservation de l’eau est importante peut ne pas être suffisant pour entraîner un changement de comportement réel pour de nombreuses personnes. Une personne peut croire en l’importance de la conservation de l’eau, mais cette croyance n’a pas nécessairement d’incidence sur le temps qu’elle passe dans la douche ou la fréquence à laquelle elle arrose sa pelouse. C’est pour cette raison que l’introspection comportementale vise à changer directement les comportements plutôt qu’à changer les attitudes ou les croyances.
3. Le défi exige‑t‑il une approche « ferme », comme un changement à la réglementation ou à la législation?
Bien qu’une optique d’introspection comportementale puisse aider à éclairer l’élaboration en amont de la législation et de la réglementation, les méthodes et les outils d’introspection comportementale sont le plus souvent mis à profit plus tard en aval, là où l’impact de la politique atteint réellement les personnes. Vous pouvez considérer l’introspection comportementale comme un outil dans une ceinture porte-outils où d’autres leviers et méthodes stratégiques existent également pour appuyer les gouvernements. L’introspection comportementale peut aider à renforcer la conformité à la législation ou à la réglementation, mais on ne peut s’attendre à ce qu’elle la remplace lorsque les conséquences pèsent lourd. Par exemple, les méthodes d’introspection comportementale peuvent être utilisées pour encourager l’utilisation de la ceinture de sécurité, mais les lois régissant leur utilisation sont toujours nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens.
Créer le carte comportementale d’un défi stratégique
Souvent, les « questions du monde réel » — même si nous pouvons en déduire qu’elles sont fondamentalement comportementales — sont encore trop vastes ou trop complexes pour être utilisées. Dans ces situations, notre premier objectif est de décomposer les grands défis stratégiques en défis comportementaux concrets et réalisables.
Par exemple, disons que notre objectif est d’améliorer la santé des enfants. Bien entendu, il y a de nombreux comportements qui sous-tendent la santé des enfants, comme la vaccination, l’exercice, une saine alimentation, etc. Nous pouvons voir comment un grand défi peut être divisé en une myriade de petits comportements qui pourraient chacun être au cœur d’un projet d’introspection comportementale. Dans de tels cas, il peut être utile d’élaborer une carte comportementale.
En général, une carte comportementale comporte trois éléments clés, organisés à différents niveaux :
- L’objectif : Quel est l’objectif global?
- Les acteurs : Qui sont les personnes ou les groupes clés dont nous espérons changer le comportement pour atteindre cet objectif stratégique
- Les comportements : Que doivent faire les acteurs pour atteindre l’objectif?
Si l’objectif est d’améliorer la santé des enfants dans les écoles, une carte comportementale incluant les parents, les enfants dans les écoles et les écoles en tant qu’acteurs pourrait ressembler à ceci :
Et, bien sûr, vos acteurs changeront selon la nature de votre objectif; par exemple, une carte comportementale basée sur l’objectif global de réduction de la résistance aux antibiotiques peut impliquer des acteurs complètement différents, y compris des décideurs, des professionnels cliniques et le public.
Déterminer un comportement cible à l’aide du cadre MIST
Dans un monde où le temps, l’argent et le soutien des cadres supérieurs sont illimités, nous pourrions essayer de changer tous les comportements qui font partie d’une carte comportementale pour un défi stratégique. Mais, la plupart du temps, il n’est possible de s’attaquer qu’à un seul comportement cible à la fois. Vous vous demandez peut-être comment nous choisissons parmi les nombreux candidats. Heureusement, il y a des critères que nous pouvons utiliser pour aider à cibler les comportements qui se prêtent bien (et moins bien) à un projet d’introspection comportementale. Parfois, nous pouvons commencer par toute une série de comportements cibles potentiels et découvrir que, après avoir appliqué l’ensemble de critères « MIST » suivant (d’abord mis de l’avant par l’Unité de l’application des sciences du comportement de l’Ontario), il n’y a vraiment qu’un seul comportement cible potentiel qui fait l’affaire pour être utilisé dans un projet d’introspection comportementale.
Que signifie l’acronyme « MIST »?
- Measurable [mesurable] : Le comportement est-il déjà consigné sous forme de données administratives ou pourrait-il être consigné facilement
- Impactful [ayant une incidence] : Pourquoi serait-il important pour les particuliers et le gouvernement de changer ce comportement? Dans quelle mesure peut-on faire mieux? Même un petit changement serait-il important?
- Sizable [taille suffisante] : La taille de l’échantillon est-elle suffisante pour garantir que nous pouvons mettre en place une évaluation rigoureuse (c.-à-d. typiquement des centaines ou des milliers d’éléments) pour nous assurer que les différences que nous observons ne se produisent pas par hasard?
- Touchpoint [points de contact] : Y a-t-il une possibilité existante ou à faible coût d’offrir une intervention à la population cible?
Par exemple, si nous superposons les critères MIST à la carte comportementale que nous avons élaborée dans la section précédente, nous pourrions conclure que le meilleur comportement que nous pourrions cibler ici est d’encourager les élèves du secondaire à choisir des dîners santé à l’école. Ce comportement est mesurable (les stocks à la cafétéria de l’école font l’objet d’un suivi au moyen des registres des ventes), il a une incidence (les dîners constituent une partie importante de la nourriture que les élèves consomment au cours d’une journée), comporterait un échantillon d’une taille suffisante (une étude pourrait inclure tous les élèves qui fréquentent des écoles avec cafétérias), et plusieurs points de contact seraient disponibles (la cafétéria elle-même ou des affiches dans l’école).
Idéalement, d’ici la fin de la phase d’établissement de la portée que nous avons décrite ici, vous devriez être en mesure de répondre aux quatre questions clés suivantes :
- Quel comportement souhaitons-nous changer? (comportement)
- Quelle est la population d’intérêt? (acteurs)
- Comment allons-nous rejoindre la population? (points de contact)
- Comment mesurerons-nous le comportement? (données)
Restez à l’affût pour le prochain billet de cette série de blogue en deux parties, qui portera sur la façon de déterminer les obstacles possibles à votre comportement cible — la phase « R » (ou « recherche ») du modèle RIDE du BC BIG.
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Billet de blogue redigé par Mikayla Ford (spécialiste des méthodes) et Christine Kormos (scientifique chevronnée du comportement) du Behavioural Insights Group de la Colombie-Britannique (BC BIG). Relevant de l’Agence de la fonction publique de la Colombie-Britannique, le BC BIG emploie une petite équipe de scientifiques du comportement, de spécialistes des méthodes d’innovation et d’autres professionnels qui, dans le cadre d’un modèle de consultation fondé sur la conception conjointe, collaborent avec les ministères et les partenaires universitaires pour trouver et mettre à l’essai des solutions simples à des problèmes stratégiques. L’équipe applique une approche d’introspection comportementale pour l’élaboration de politiques fondées sur des preuves qui s’appuie sur les données probantes des sciences du comportement (psychologie, économie et neurosciences) sur la façon dont la délibération consciente interagit avec les processus non conscients pour influencer le comportement, et utilise ces connaissances pour concevoir des politiques, des programmes et des services plus efficaces pour les citoyens et les ministères clients.
Article also available in English here: Laying the foundations for a behavioural intervention project — Part One | by Experimentation Works (EW) | May, 2021 | Medium
Références:
[1] Webb, T. L. et Sheeran, P. (2006). Does changing behavioral intentions engender behavior change? A meta-analysis of the experimental evidence. Psychological bulletin, 132(2), 249.