Jeter les bases d’un projet d’intervention comportementale — Partie 2
Dans cette série de blogue, nous nous intéresserons aux deux premières phases du modèle RIDE de changement de comportement du Behavioural Insights Group de la Colombie-Britannique (BC BIG). Ce billet, le deuxième de la série, couvrira la phase de la recherche.
Partie 2 : La recherche
Dans la première partie de cette série, nous vous avons présenté la phase d’établissement de la portée du modèle de changement de comportement du Behavioural Insights Group de la Colombie-Britannique (BC BIG). Dans cette section, nous nous intéresserons maintenant à la deuxième phase du modèle : la phase de recherche toujours si importante.
Bien que la phase de recherche suive la phase d’établissement de la portée du modèle RIDE pour le changement de comportement, dans la pratique la recherche est souvent effectuée tout au long de la phase d’établissement de la portée. En effet, un certain degré de recherche peut être nécessaire pour découvrir les comportements sous-jacents à un défi stratégique et pour déterminer les points de contact possibles afin de déterminer si une approche axée sur l’introspection comportementale convient. Toutefois, même une fois que les paramètres d’un projet d’introspection comportementale auront été définis, il restera des questions importantes à régler. La phase de recherche est consacrée à répondre à ces questions, qui consistent habituellement à mieux comprendre le défi du point de vue des personnes concernées. Ces renseignements sont ensuite utilisés pour éclairer la conception de l’intervention.
Dans ce billet, nous aborderons les méthodes et les facteurs à considérer entourant la réalisation de recherches dans le cadre d’un projet d’introspection comportementale. Ces renseignements peuvent être familiers aux fonctionnaires qui ont de l’expérience en recherche et en mobilisation des citoyens. Cependant, nous espérons que notre orientation comportementale suscitera l’intérêt de tous. Plus précisément, ce billet couvrira ceci :
- Quelle est la différence entre la recherche descriptive et la recherche causale?
- Pourquoi la recherche descriptive est-elle importante?
- Comment pouvons-nous déterminer les obstacles comportementaux qui existent en lien avec un défi stratégique?
- Qu’entend-on par méthodes de recherche « documentaire » et « sur le terrain »?
Qu’entend-on exactement par « recherche »?
Le terme « recherche » est très large et peut signifier différentes choses pour différentes personnes selon le contexte. Dans le cas de l’introspection comportementale, nous considérons souvent qu’il existe une distinction entre deux formes de recherche : descriptive et causale. Comme leur nom l’indique, la recherche descriptive se concentre sur la description du défi comportemental tel qu’il existe actuellement, tandis que la recherche causale vise à déterminer les causes sous-jacentes des comportements.
Dans le modèle RIDE pour le changement de comportement, la phase de recherche comporte une recherche descriptive, tandis que les phases de collecte de données et d’évaluation comportent une recherche causale. Dans un projet d’introspection comportementale, la recherche causale est habituellement effectuée pour évaluer empiriquement l’incidence d’une intervention. Par conséquent, le présent billet porte sur les approches de recherche descriptive.
Pourquoi mener une recherche descriptive?
La recherche descriptive nous aide à mieux comprendre les qui, quoi, comment, quand et où d’un défi stratégique. Il s’agit d’explorer les expériences des utilisateurs d’un service ou d’un système afin de déterminer comment il répond à leurs besoins uniques ou n’y répond pas. Il peut être utile de considérer la recherche descriptive comme une méthode de remise en question des hypothèses et d’élaboration d’hypothèses. Nous pourrions penser que nous savons pourquoi les membres d’une population cible n’adoptent pas un comportement précis. Nous effectuerions des recherches pour vérifier les hypothèses et en élaborer de nouvelles. Par exemple, nous pourrions vouloir savoir pourquoi les diplômés du secondaire (population cible) ne font pas de demandes d’inscription auprès des universités en plus grand nombre (comportement). L’une des hypothèses actuelles, c’est qu’ils sont préoccupés par les exigences financières. Les recherches peuvent révéler une autre explication possible — peut-être qu’ils sont dissuadés par un processus de demande compliqué. Avec une idée plus claire des obstacles et de l’endroit où ils se présentent, les équipes sont alors mieux équipées pour élaborer des solutions qui ont une incidence.
Par exemple, au Royaume-Uni, la Behavioural Insights Team (BIT) tentait de résoudre un problème en cherchant à augmenter le recouvrement des amendes imposées par les tribunaux, étant donné qu’une grande somme était dépensée (et facturée aux défendeurs) pour que les huissiers tentent d’obtenir les paiements en souffrance. Avant de concevoir l’intervention, un chercheur de la BIT a observé un huissier pendant une journée pour mener des recherches auprès de la population d’intérêt. En visitant les domiciles des destinataires des lettres, ils ont remarqué que, dans bien des cas, le courrier s’empilait à l’extérieur. Ces personnes recevaient tellement d’envois postaux que la demande de paiement était ignorée. À la suite de cette recherche auprès des utilisateurs, ils ont mis à l’essai une approche de communication différente, soit l’envoi d’un message texte avec le nom du destinataire à des personnes qui n’avaient pas payé leur amende afin de leur donner une dernière chance de payer avant l’émission d’un mandat de saisie-gagerie pour les huissiers. Le résultat a été une augmentation significative des paiements en réponse au message texte, d’environ dix points de pourcentage.[1]
Que faut-il chercher?
Lorsqu’il est question de facteurs déterminants et d’obstacles liés à un comportement, le célèbre spécialiste du comportement et auteur Dan Ariely utilise l’analogie d’une fusée. Encourager un comportement désiré, c’est comme lancer une fusée dans l’espace. Nous devons tenir compte de deux facteurs clés :
- Le carburant : Les choses qui incitent une personne à adopter un comportement;
- La friction : Les choses qui y font obstacle.
Si vous cherchez à changer un comportement — ou à déplacer la fusée — vous devrez vous faire une idée des deux forces pour voir ce qui peut être ajusté. À moins qu’il y ait des changements sur le plan de la friction ou du carburant, on a tendance à s’en tenir au statu quo, et le vaisseau spatial ne va nulle part.
En plus des facteurs déterminants et des obstacles, il peut être utile d’utiliser des méthodes de recherche descriptive pour en apprendre davantage sur :
- L’environnement décisionnel : Dans quel contexte les acteurs prennent-ils des décisions ou adoptent-ils les comportements qui sous-tendent le défi stratégique?
- Les points de contact : Quelles sont les possibilités de mobiliser la population? (p. ex., formulaires, lettres, sites Web, panneaux, messages textes, etc.).
- Sentiments et perspectives : Comment les acteurs décrivent-ils leurs points de vue et leurs sentiments à l’égard du défi stratégique? Y a-t-il des biais heuristiques ou psychologiques en jeu?
À quoi ressemble la recherche descriptive?
La méthode de recherche décrite ci-dessus (c.-à-d. qu’un chercheur accompagne un huissier pendant une journée pour mener des recherches auprès de la population d’intérêt) n’est qu’un exemple de méthode de recherche. Les méthodes de recherche varient selon le contexte, la population d’intérêt et les ressources disponibles (finances et temps). Certaines activités de recherche peuvent être menées à partir de son bureau en lisant simplement des documents de référence, en analysant les données administratives disponibles ou en consultant l’Internet. Cette recherche « documentaire » à moindre coût peut être comparée à la recherche « sur le terrain » (parfois appelée recherche « sur les utilisateurs »), qui demande habituellement davantage d’implication et peut comprendre des méthodes comme les entrevues, les groupes de discussion ou les sondages. Bien que la recherche sur le terrain ait tendance à être plus coûteuse et plus vaste (p. ex., recrutement de participants et recours à un animateur qualifié), les connaissances recueillies valent souvent cet effort supplémentaire. Cette recherche est adaptée au défi ou à la question en cause. Et comme l’équipe du projet est responsable de sa conception, elle peut garantir l’exactitude et l’éthique des processus.
Souvent, à BC BIG, nous utilisons un modèle de conception conjointe selon lequel nous invitons nos clients à nous accompagner pour interviewer des citoyens ou du personnel sur le terrain, afin qu’ils puissent directement entendre parler des problèmes et des défis auxquels ils font face. Même s’ils ne participent pas eux-mêmes à la recherche, le fait d’écouter les constatations peut quand même avoir une incidence. C’est parfois la première fois qu’ils consultent les gens qu’ils servent ou le personnel qui offre les services et les programmes qu’ils conçoivent et supervisent.
Recherche documentaire et examen de la littérature
Outre l’intérêt de consulter les données administratives existantes au cours de la phase de recherche, la littérature universitaire est une autre source d’information précieuse au cours de cette phase. Il est certain que la tendance croissante vers les publications à source ouverte a rendu les résultats universitaires publiés plus accessibles que jamais. Google Scholar peut être une excellente référence, bien que certains articles soient toujours affichés derrière des verrous d’accès payant. Cependant, la prolifération des connaissances peut s’accompagner de conclusions contradictoires. C’est là que les méta-analyses et les revues systématiques — qui combinent les résultats de multiples études — peuvent fournir des aperçus extrêmement intéressants. De plus, des articles non publiés comme des dissertations, des livres blancs et des analyses intergouvernementales peuvent être très utiles. Les rapports connexes de firmes d’experts-conseils, ainsi que les schémas de processus, les cartes de parcours et autres extrants ou artéfacts de concepteurs centrés sur la personne ou d’autres disciplines, peuvent également aider à comprendre le contexte. De plus, la recherche d’articles pertinents dans des publications communautaires, comme Behavioral Scientist et Behavioral Science & Policy Association, peut également être une excellente source d’information pour la phase de recherche d’un projet d’introspection comportementale.
Nous espérons que cette série en deux parties vous a fourni des outils pratiques pour vous aider dans les phases d’établissement de la portée et de recherche d’un projet d’introspection comportementale. Bonne recherche!
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Billet de blogue redigé par Mikayla Ford (spécialiste des méthodes) et Christine Kormos (scientifique chevronnée du comportement) du Behavioural Insights Group de la Colombie-Britannique (BC BIG). Relevant de l’Agence de la fonction publique de la Colombie-Britannique, le BC BIG emploie une petite équipe de scientifiques du comportement, de spécialistes des méthodes d’innovation et d’autres professionnels qui, dans le cadre d’un modèle de consultation fondé sur la conception conjointe, collaborent avec les ministères et les partenaires universitaires pour trouver et mettre à l’essai des solutions simples à des problèmes stratégiques. L’équipe applique une approche d’introspection comportementale pour l’élaboration de politiques fondées sur des preuves qui s’appuie sur les données probantes des sciences du comportement (psychologie, économie et neurosciences) sur la façon dont la délibération consciente interagit avec les processus non conscients pour influencer le comportement, et utilise ces connaissances pour concevoir des politiques, des programmes et des services plus efficaces pour les citoyens et les ministères clients.
Article also available in English here: Laying the foundations for a behavioural intervention project — Part Two | by Experimentation Works (EW) | May, 2021 | Medium
Références:
[1]https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/60539/BIT_FraudErrorDebt_accessible.pdf [en anglais seulement]